icarus (théoz)

— Ses doigts parcourent le col de sa victime du jour, qui elle lui jette un regard à moitié terrifié, à moitié triste. Théodore avait prit l'habitude de ces yeux et ils ne lui procuraient plus un grain de culpabilité; depuis le temps qu'il faisait ça. Il aimait bien faire ça, une fois par semaine généralement : il choisissait quelqu'un, l'emmenait à l'arrière du bâtiment avec l'aide d'Aristote et Oliver, et là il se faisait plaisir. Il ne cherchait rien en particulier - ni l'argent, ni le goûter de quiconque, juste le sentiment de supériorité, de puissance. Mais quiconque saurait ce qu'il fait ne qualifierait cela que de pitoyable, sans nul doute.

— Il se demande encore ce qu'il va faire au garçon plaqué contre le mur devant lui. On ne peut pas dire qu'il prévoyait avec exactitude ce qu'il faisait une fois arrivé à ce stade là de ses plans hebdomadaires. Certaines fois, il observait un peu à l'avance ses proies pour savoir ce qu'elles avaient toujours sur elles qu'il pourrait récupérer par exemple; mais malheureusement ce n'est pas le cas aujourd'hui. Alors il demande à ses minions dans s'en charger pour lui.

— D'un mouvement de tête il leur fait comprendre qu'ils doivent le fouiller. Ils se sont mis d'accord sur un code gestuel afin d'avoir le moins possible à communiquer; on pouvait dire que moins il leur parlait, mieux il se portait. Il se dit qu'il est quand même pas la moitié d'un connard, et il rit seul. Le dos tourné à la scène, il attend, faisant vagabonder ses pensées sur diverses choses; aussi futiles les unes que les autres. Comme, avait-il réussit le contrôle de maths plus tôt dans la matinée? Qui sera le prochain dos à s'écraser contre ce mur? Qu'est-ce qu'on mange ce midi? Futile, vous dis-je.

— Enfin, on prononce son nom. Ils ont trouvé un porte-monnaie, quelques bonbons, l'attirail scolaire normal, rien de bien extravagant. C'est dommage, rien de bien intéressant à ses yeux. Alors, une idée fuse dans son esprit, et il sourit. Il s'approche de nouveau. « J'te propose un truc gamin. » Il fait des cercles devant lui, les mains croisées dans le dos, comme s'il négociait, comme il voyait parfois son père dans le grand salon. « J'te laisse partir sans rien te faire, à une toute petite condition évidemment. »

— Là était la partie la plus drôle de toute la chose. Le pouvoir qu'il souhaitait avoir lui donnait l'impression de pouvoir ordonner et contrôler n'importe qui; et il faut croire qu'ici, ça marchait. La peur qu'il imposait au garçon jouait peut-être pour beaucoup, sûrement. « Tu vas me rendre un petit service, juste tout petit, sur le long terme. » C'est plus drôle quand ça dure longtemps, la manipulation sur la durée. Théodore, il a l'air d'un fou lorsqu'il a ces pensées là, même s'il est loin de l'être. Peut-être est-il fait pour diriger, être au dessus des autres? Après tout, il était l'héritier de la riche famille des De Hastings, pourquoi n'y serait-il pas destiné?

— Il était temps d'enfin lui révéler ce qu'il avait en réserve pour lui, il avait suffisamment entretenu le suspense. « Chaque semaine, j'veux que tu me repères un p'tit mec comme toi qui aurait quelque chose susceptible de m'intéresser, compris? » Comme ça, il aura moins de choses à s'occuper, il pourra chill tranquillement dans les couloirs pendant qu'un nouveau minion s'occupe de son buisness; la belle vie. Il accepte immédiatement et il le laisses partir. Evidemment, il en va de soi qu'il redeviendrait sa cible première s'il n'exécutait pas ses attentes.

— Il était détestable Théodore, détestable, mais il recherche l'inverse. Il est persuadé qu'en continuant dans ce sens là, il se fera des amis, parce qu'il est cool, dans la décadence; qui pour le redresser? Personne, il n'a personne pour le guider dans son choix du bien et du mal - un tant soit peu que le bien et mal existe réellement mais ceci est un autre débat. Il s'apprête à repartir, pour réapparaître comme une fleur en cours, mais il semblerait que son destin du jour en ai décidé autrement.

— Quelque chose, ou plutôt quelqu'un, venait perturber la route toute tracée qu'il avait pour rentrer. Un blondinet, qu'il ne connaissait que trop. « Oz! Bonjour. », tout sourire. Qu'est-ce qu'il avait vu?, était la première question qui venait s'imposer par dessus toutes les autres. Il espérait fortement qu'il n'avait pas observé assez pour en faire quelque chose de compromettant - ce petit avait le pouvoir, le vrai, celui de délégué. Alors, l'adolescent agit normalement. « Tu passais par là toi aussi? » Quel con.

— Lorsque ses iris verts émeraude viennent se poser sur la totalité de sa personne, Théodore tique légèrement. Il aurait pu tomber sur n'importe qui, le blond, mais c'est évidemment sur lui, le gars de sa classe, le gars sur lequel il a la possibilité d'agir, qu'il est tombé. Le mage haïssait sa malchance et l'ironie du sort. Mais il était plus fort que ça, qu'il croyait, alors il sourit, comme fier de sa connerie et son imbécillité. Il frappe dans un caillou qui vient finir sa course dans un petit bruit contre le mur à côté d'Oz.

— Plongeant ses mains dans les poches, il fixe son délégué et rit à sa réflexion. Allait-il vraiment s'épuiser à faire lui faire la morale? D'un côté, il restait fidèle à lui même et cela ne t'étonnait pas plus que ça au final. Il s'approche du bâtiment et cale son épaule contre, nonchalamment, et de sa poche sort un paquet de cigarettes - ces bâtons magiques s'allumant comme des cierges en pleine nuit, mais version mortel. Il détestait ça, la fumée, le goût, la nicotine, mais cette dernière le poussait à en prendre toujours plus.

— Il tourne enfin la tête vers le blondinet, la clope au bec. Il cherche comment tourner sa phrase, mais trouve bien vite et déjà la dit à haute voix; « Là est l'intérêt même de la chose mon cher Oz. » Le ton de moquerie était présent et s'entendait parfaitement - il faut avouer qu'il ne cherchait pas non plus à la dissimuler tant que ça. Il avait depuis bien longtemps arrêté de faire des manières et des belles prouesses de langage, c'était pas un truc pour lui. Théodore le bon aristocrate était mort en même temps que le bout de sa jambe droite. Dramatique, tout ça. Il jubile intérieurement.

— Il pourrait s'arrêter là et marcher jusqu'en cours, mais il n'en a pas envie, et l'idée de retenir le plus prestigieux élève de sa classe ici pour qu'il finisse par arriver en retard était une pensée qui lui plaisait tout particulièrement, ce con. « T'vois, si j'prends des gens du même âge que moi ça f'ra pas l'même effet t'comprends? » Bien sûr qu'il ne comprenait pas, comme s'il avait la même habitude hebdomadaire que lui. Sûrement que Monsieur Oz Crawley préférait jouer au criquet, ou à la pelote peu importe lequel sport était le plus pompeux.

— Le point était là de montrer que l'ange et le démon étaient en tous points différents - ce qui jusqu'ici ne ressemble qu'à un amas de clichés. « Bon, j't'explique, si j'prends des gens d'mon âge ils s'ront moins facilement effrayés et du coup y a rien d'drôle. » Parce que c'était de savoir public que l'harcèlement était une activité très bonne pour les zygomatiques. On aurait pu croire que Théodore était une vulgaire parodie ou imitation de ces brutes qui font leur intéressants au collège, mais malheureusement la mascarade était un peu trop vraie.

— Et la dernière volée de cendres touche le sol, alors le mage écrase son mégot parmi la caillasse et le laisse là, ajoutant la pollution à son palmarès d'actes irréfléchis. Ils pouvaient déjà lui préparer une place d'honneur aux enfers parce que c'est bien là qu'on l'accueillera après sa mort - qu'il n'espérait pas toute suite bien qu'il l'ai déjà frôlé. « Mais j'pense pas qu'ce soit ton domaine de prédilection c'dont j'te parle, toi c'est plus 'wow les probabilités c'est super, qu'est-ce que j'adore les dictées, oh demoiselle Rhéa quel beau temps aujourd'hui', non? » Exécrable.

— Le con. Un regard vague posé sur le blond qui commençait à esquisser un mouvement pour pivoter et partir, il restait planté là, ne sachant quoi dire, ne sachant quoi faire, ne sachant quoi être. Voilà bien une des rares seules fois où quelqu’un avait prit la peine de démentir ce qu’il disait et lui tenir tête. S’il était vrai que Théo était sûrement “le caïd du bac-à-sable”, il n’en restait pas moins quelqu’un qui savait réfléchir, penser, et plus que l’on ne pourrait le croire ; tout ça à cause d’une façade pour impressionner.
Il savait, Théodore, qu’il ne pourrait jamais se l’avouer, jamais le dire à voix haute, que tout cela n’était qu’un jeu pour lui. Il savait, Théodore, que personne ici ne verrais jamais cette autre face de lui. Il savait, Théodore, lui, qu’il était plus qu’une racaille stupide.

— Son esprit revient enfin à la réalité quand un mot s’échappe enfin de sa cavité buccale : “Oz!”. Le prénom de l’ange, tout simplement. Il n’avait pas su quoi dire d’autre pour retenir son délégué. Maintenant qu’il avait ça, il se trouvait un peu à court de choses à dire - déjà. Il faut dire que dans le cadre scolaire, il n’était pas doué pour le social, hors sa petite bande. De plus, le blond n’était pas vraiment son interlocuteur le plus fréquent.
La bouche à moitié entre-ouverte, aucun son n’en sortait.

— Il se sentait stupide ; stupide réellement, pas exagéré - c’était un sentiment nouveau. Peut-être était-ce la fonctionnalité du comportement hautain de l’ange, peut-être était-ce juste lui qui manquait de répartie, pour une fois.
“J’fais pas peur?”, qu’il articule entre ses fines lèvres. Il connaissait la réponse, au fond.
Il s’avance, de quelques pas. Il sort son portable, regarde l’heure ; voilà quelques minutes que la sonnerie avait retentit, ils étaient officiellement en retard, par sa faute évidemment. Le point positif de cette affaire est que la vie scolaire n’aura pas de mal à croire au retard de Oz s’il devait se charger de l’incapable mage-démon en échec scolaire, titre pour lequel Théodore était connu.

— “On devrait y aller, on est en retard pour l’histoire”, sur ces mots il se met en marche jusque sur le chemin vers la porte du bâtiment. “J’vais t’aider à justifier ton retard en disant que c’est d’ma faute. C’pas comme si j’avais grand chose à perdre.”
Il entame sa route, s’attendant à ce qu’Oz le suive - ce n’était pas comme s’il avait le choix, ils allaient au même endroit. En tête de leur pèlerinage vers le bureau, il marmonne quelques mots : “J’te dois bien ça.”.

— Le blond finit par le rejoindre. Théo continue d'avancer en silence ; il savait qu'avoir Oz à ses côtés lui assurait un ticket gratuit d'entrée en cours, mais il devait avouer se sentir un petit peu coupable tout de même - sentiment très peu ressenti par le demi-mage. Il ne sait pas pourquoi, mais la présence du demi-dieu le rend un peu plus calme et moins enclin à la violence. Ce dernier avait une sorte de présence assez appaisante, peut-être que le pouvoir d'empathie du brun lui joue des tours. Enfin. Ils arrivent finalement devant la porte de la salle d'histoire-géographie dans laquelle tous leurs camarades étaient déjà focalisés sur ce que disait leur professeur, que l'on pouvait entendre parler du couloir.

— Oz tape à la porte et pénètre à l'intérieur de la classe. Théo le suit, naturellement. Il avait l'habitude des regards des autres quand il arrivait en retard, mais cette fois-ci cela semblait différent. Leurs camarades avaient l'air plus étonnés par le fait que vous étiez arrivés ensemble en retard que le fait que le semi-démon soit, en effet, en retard. Il fallait dire que ce n'était pas courant de les voir ensemble, ces deux là ; ils n'étaient pas exactement les meilleurs amis du monde.
Le professeur les invite à s'asseoir et Théodore ne fait aucune remarque et va directement prendre place sur la table de droite au centre du deuxième rang qui était l'une des dernières chaises disponibles - la seule autre était la table de gauche, à laquelle Oz vint s'asseoir.

— Le brun était plutôt quelqu'un qui avait l'habitude du dernier rang, ou de l'avant dernier s'il voulait balancer sa chaise et dormir en paix. Au contraire, son camarade de retard n'était jamais au delà du premier rang ; cela entâcherait sa réputation d'excellant élève lèche-cul voyez-vous.
D'ailleurs, le Oz s'empressa de lui rappeler qu'avoir les professeurs dans sa poche était une chose pas si mal. Théo en avait eu un formidable exemple de par cet arrivé en retard qui n'avait eu besoin d'aucun excuse. Il se mit à réfléchir sérieusement au fait de commencer à caresser ses professeurs dans le sens du poil, mais c'était un peu compliqué dans sa mentalité.

— Comme son voisin, il sort ta trousse et quelques feuilles pour feinter un peu d'attention. Il n'était pas le type d'élève qui notait même les blagues de l'enseignant, il était plus celui qui coloriait un carreau sur deux en faisant parfois quelques boucles pour imiter un semblant d'écriture. « Tu crois vraiment qu'à ce stade de l'année c'est encore temps que j'me rachète auprès des profs? Parce que, moi, j'crois que c'est foutu. » Il en fallait pas se mentir à soi-même, Théodore savait très bien faire ça. « En tout cas, ton cas j'te dis chapeau. C'est incroyable un tel niveau dans le "sucage" de prof, j'avais jamais vu ça, j't'admire, sincèrement. » Il adorait l'ironie.

— Le cours passe, majoritairement en silence, malgré quelques bavardages et d'interminables crises de fou rire de l'insupportable Félix. Théo ne pouvait pas le voir - il le supportait, c'était déjà suffisant. « Putain, il est sans fin ce cours. C'est super chiant en plus l'histoire, qu'est-ce que je m'en tape de connaître les dates de la guerre des elfes et des fées? », murmure le demi-mage. Enfin, la sonnerie retentit. Le brun s'empresse de ranger ses affaires, les balançant en vrac dans son sac et se lève, courrant presque vers la porte. Une fois dehors, il se calme, attend, puis stop le blond à la sortie. « Merci quand même. Si t'avais pas été là j'me serais sûrement pris une colle pour mon nombre de retard. J'voulais juste montrer que j'suis reconnaissant mais crois pas que j'suis une tapette, ok? » Il pensait que c'était important de le préciser : il était con. « J'ai une dette maintenant, super. Merci bien, Oz Crawley, de façon ironique cette fois. »

— « Ouais c'est ça, à demain. », lâche le demi-mage avant de s'en aller sans demander son reste, dans le sens contraire du petit groupe dans lequel Oz traînait. Dans celui-ci, Théo s'entendait plutôt bien avec Jodie, et c'était la seule. Félix et Rhéa l'insupportaient au possible avec leur voix stridente et leurs gestes improbables dans tous les sens.
Laissant la fumée s'échapper régulièrement de sa cavité bucale, il fait route jusqu'au manoir de ses parents. Après un rapide dîner, il se glisse à l'intérieur de ses draps, prêt à rejoindre le pays de Morphée; à se reposer en vue de la journée de demain.

— Sept heures, le réveil sonne. On est mardi. Théodore a cours dès huit heures ce jour-là ; en effet, il avait, pour une raison qui lui échappe encore, choisit deux heures supplémentaires d'option perfectionnement des pouvoirs. Il n'était pas le seul à l'avoir choisit, puisqu'il retrouverait son blond favori - et il parle bien d'Aristote, non pas d'Oz, bien que celui-ci soit là aussi, pour une raison beaucoup plus claire : les notes - ainsi que ce boulet de grand brun carré qui lui sert de meilleur pote - et là il parle, bien sûr, d'Oliver.

— Après avoir enfilé ses traditionnels vêtements du deuxième jour de la semaine et avoir avalé son petit déjeuner, il attrape son sac et se met en retour vers l'Académie, tirant sur un bâton de cancer, comme à son habitude. Le manoir n'était pas situé très loin de l'école : à pied, il en avait pour au plus une vingtaine de minutes - mais il prenait toujours son temps et arrivait toujours en retard au bout d'au moins trente cinq minutes de marche, ce pourquoi il a autant de billets à son actif ; malheureusement pour lui et son nombre d'heures de colle grimpant à toute allure.
Ce jour-là encore, il toque à la porte de son cours optionnel avec dix minutes de retard. Il n'attend pas la réponse de son professeur - un grand roux, un peu maladroit, mais apparement passionant d'après certains - et pousse la poignée. « B'jour. Désolé pour le retard. », son éternel nindo.

— Karma is a bitch, comme dit la citation populaire, et la situation actuelle appelait bien à ce genre de citation. Lui qui pensait en avoir fini avec Oz après avoir passé la nuit, le voilà obligé de reprendre place à côté de lui. Il ne faut pas se méprendre : il y avait pleins de places vides sur lesquelles Théodore aurait rêvé se poser, sauf que le professeur n'acceptait pas d'élèves au-delà du troisième rang, étant donné que l'effectif de l'option était d'environ dix.
Ici, Aristote et Oliver avait pris place l'un à côté de l'autre au milieu du troisième rang (bien évidemment), les autres camarades occupaient le reste du deuxième et le troisième. Au premier rang, il y avait Oz, seul, au milieu, et les tables des côtés étaient réservés à la paperasse du supérieur.

— « Bien le bonjour, Sieur Crawley, quel plaisir indubitable que de vous revoir. », lance-t-il sèchement. A l'arrière, il entend ses deux amis éclater de rire sans retenu, ce qui leur vaut une réprimende, d'ailleurs. Théodore finit par s'asseoir, s'apprête à sortir un stylo. « Aujourd'hui les enfants, travaux pratiques ! On va tous aller en salle d'entraînement dans le bâtiment D en bas et mettre en pratique ce que l'on a appris lors des deux derniers mois ! » Sa voix était beaucoup trop enthousiaste au goût du demi-mage qui s'ennuyait déjà des exercices qu'ils allaient faire.
Après quelques rangement de cahiers, le petit comité se lève et sors de la classe en - presque - silence et se dirige à grands pas vers la salle d'entraînement. Sur le chemin, Théo rattrape le Crawley. « J'essaierais de pas accidentellement t'envoyer mon couteau-suisse dessus comme aux derniers travaux pratiques, promis. »