comme des enfants. ❞ (ozodie) ♛

La rentrée n'avait pas été aussi rude qu'elle l'avait imaginée. Si elle avait été brusquée par le fait que Oz et Rhéa manquaient à sa classe, elle avait pu se rapprocher de Oliver et n'avait, depuis, plus vraiment souffert d'une quelconque solitude. Elle s'était inscrite dans le club de volley et avait rencontré un tas de filles avec qui elle n'aurait jamais cru s'entendre. La plupart des filles qu'elle croisait dans les couloirs en avait après son pouvoir ou son comportement désinvolte, égoïste ; et si les événements de l'année précédente avaient un peu adouci ces circonstances, la rentrée avait eu pour effet de tout faire oublier à tout le monde, si bien que les regards noirs avaient repris dans les couloirs. Au volley, elle était devenue leur amie plus que leur rivale ; elle était tout de suite moins impressionnante, Jodie, lorsqu'elle essayait maladroitement de se faire des amies.

Elle avait pris l'habitude de rejoindre les copains de l'année précédente aux pauses déjeuner et tirait une grande satisfaction à retrouver ceux qu'elle considérait comme ses vrais amis, A quelques occasions, il lui était arrivé de passer ce moment privilégié avec Oliver, si bien que plus ça allait, plus elle se sentait loin de ceux qui comptaient. Alors lorsque Oz leur proposa, à elle et à Rhéa, de le rejoindre pour une balade à cheval, elle ne sut tenir en place.

Lorsque l'heure du rendez-vous approcha, elle avait cherché dans ses armoires la tenue que Monsieur lui avait offert, espérant qu'elle rentrait toujours dedans. Il l'avait déjà emmenée plusieurs fois faire de l'équitation, mais depuis qu'il n'était plus là, elle n'avait jamais pris l'initiative de recommencer. Ainsi elle avait enfilé son pantalon blanc – mauvaise idée - et par-dessus son t-shirt de la même couleur, un pull bleu foncé. Par dessus le tout elle avait attaché à son cou une cape blanche, et après avoir mis ses bottes noires et emporté sa bombe, elle entra dans la voiture du chauffeur qu'elle avait engagé à la place de Ciel. Arrivée au domaine, elle ne pu s'empêcher de s'empresser vers Oz, qu'elle n'avait plus vu depuis trop longtemps à son goût.

« Rhéa n'est pas venue? »

Elle devait sûrement connaître la réponse, mais elle devait avoir oublié. Probablement parce que « étudier » n'était jamais rentré dans son vocabulaire.

Lorsqu'ils firent le tour du propriétaire, elle ne pouvait plus attendre de voir les chevaux. Cela faisait des mois qu'elle n'en avait pas approché, et leur contact l'avait toujours apaisée. Alors arrivés près des écuries, elle dépassa Oz d'un pas rapide, partie saluer les bêtes. En caressant l'un des chevaux, elle tourna la tête vers son ami.

« Avant on ne m'aurait jamais laissé faire ça toute seule. Je veux dire sans être accompagnée d'un adulte responsable. Tu m'as comprise. »

Top ambiance.

Son choix s'arrêta sur une magnifique jument à la robe crémeuse et au crin de jais. Attendant l'approbation de Oz, elle la sella et la monta. Et prenant les rênes dans ses poings fermes, elle sortit de l'écurie sur le dos de sa nouvelle coéquipière, visiblement ravies toutes les deux de recouvrir ces sensations. Et un sourire vint illuminer le faciès de Jodie, très fière d'être aussi à l'aise alors que cela faisait si longtemps qu'elle n'avait plus monté.

« Vas-y, je te suis. »

Jodie avait eut quelques déboires à se sentir à l'aise sur sa selle les premiers mètres, mais dès qu'ils eurent dépassé l'orée de la forêt, elle sut trouver une allure confortable qui lui épargna quelques douleurs aux cuisses. Le temps avait passé sans qu'elle s'en rende compte, et leurs conversations parsemées de ses éclats de rire, elle finit par hausser les épaules ; mouvement qui demeura imperceptible à cause de la marche du cheval.

Oh, sa rentrée avait été terrible ; mais Jodie n'avait jamais connu d'autres rentrées sinon celle de son premier jour en compagnie de Oz et Rhéa, et elle n'avait eu aucun repère, aucun schéma facile à suivre. Mais Jodie n'avait jamais de schéma, aucune structure ; et ainsi, la rentrée ne l'avait pas tellement effrayée.

« Hm? »

Elle fit mine de réfléchir, comme si les événements étaient déjà trop lointain. Elle avait la tête ailleurs, Jodie.

« J'étais déçue au début, parce que toi et Rhéa vous étiez dans l'autre classe. Même Théodore! Et puis j'ai pas revu Rhéa depuis qu'on a appris la répartition des classes ! J'aurais aimé qu'elle soit là.. »

Son regard s'était échappé entre les arbres, détaillant la vie qui grouillait autour d'eux. Après les oiseaux et les insectes, elle avait cru voir des écureuils et un faon, quelque part derrière les feuillages. Quelques secondes s'étaient écoulées durant lesquelles les pensées malignes de Jodie avaient disloqué ses émotions fragiles. Puis un maigre sourire s'était dessiné sur ses lèvres, avant qu'elle ne revienne à la conversation – et c'était comme si ce moment n'avait jamais existé, comme si elle avait eu un arrêt entre ses deux instants de parole.

« Des filles dans ma classe se sont déjà murmuré que Oz Crawley avait rejoint l'équipe de basket, tu te rends compte ? Et personne n'a mentionné la grande entrée de Jodie Zhou dans l'équipe de volley! Pff. »

Elle était persuadée de lui avoir fait une grande annonce, comme s'il s'agissait d'un accomplissement de sa part, que de s'inscrire à un club de sa propre initiative – puisqu'elle avait pris l'habitude de tout faire dans son ombre, de toujours le suivre pour ne pas se fourvoyer - Oz était son modèle.

Elle haussa les épaules à nouveau, comme s'il était capable de le remarquer, et se mit à rire, incapable de faire semblant d'être vexée comme elle aurait aimé le faire.

« En fait je le connaissais pas vraiment mais Oliver s'est installé à la place à côté de moi et du coup on est devenu amis ! Alors c'est moins triste que si j'étais toute seule. »

Est-ce qu'elle devait tout lui dire ? Elle pouvait bien garder pour elle les subtilités des rires qu'elle avait échangé avec Oliver.

Au même moment que Jodie eut prononcé le prénom de Oliver, l'attitude de Oz changea, mais puisqu'il était quelques mètres devant et qu'elle était de toutes façons aveugle pour ce genre de subtilités, elle ne comprit pas tout de suite. Elle releva les yeux vers lui, les sourcils haussés et la mine dubitative. Qu'il connaisse Oliver ne la surprenait pas tant (Oz était pour elle une source infinie de savoir, et il était naturel qu'il connaisse tout le monde), mais elle n'arrivait pas à savoir ce que son exclamation voulait vraiment dire.

« Eh bien euh.. Oui. »

Elle avait l'impression de dire une bêtise. Oliver Holloway était-il un nom tabou ? Elle se mit à rire, d'un rire doux et sincère, du genre qui lui demandait si tout allait bien, parce qu'il avait décidément l'air trop inquiet, et que ça ne lui ressemblait pas.

« Pourquoi il m'aurait embêtée ? »

Il y avait toujours des choses que Jodie ne comprenait pas. Les schémas sociaux étaient un genre d'énigme païenne traduite en russe pour elle ; même faire semblant de comprendre était trop difficile. L'idée que Oliver Holloway était peut-être une mauvaise influence, un fauteur de troubles ou un petit con ne lui avait même pas effleuré l'esprit. Il avait été charmant, et ça avait suffit à lui faire oublier, le temps d'une journée, à quel point elle se sentait seule ; ce qu'on disait de lui n'était pas si important.

« Il a été très gentil et puis il m'a invitée à une soirée, samedi. »

Tout avait l'air si innocent lorsque ça venait de la bouche naïve de Jodie. Elle avait l'impression de devoir le convaincre qu'Oliver n'était pas si terrible qu'il l'insinuait ; ce qu'elle n'imaginait pas, c'est que ses mots faisaient l'effet inverse.

Ils avaient arrêté les chevaux, et le silence eut rapidement fait de la mettre mal à l'aise, si bien qu'elle osa un maigre sourire, son visage déformé par l'incompréhension. N'étaient-ils pas tous amis ?

« Oz, tout va bien ? »

Oz lui paraissait différent ; ses réactions inhabituelles. Ça ne la dérangeait pas, qu'il change, tant qu'il était là pour elle ; c'était égoïste, mais ça lui convenait, et elle n'y avait jamais vu aucun mal. Ce n'était pas tant le fait qu'il était différent qui la gênait, mais plutôt le fait qu'elle ne comprenne pas en quoi il l'était. Était-il triste ? Jodie aussi, elle avait été triste, qu'ils n'étaient plus dans la même classe. Oz était plus fort que ça, il ne pouvait pas être triste pour de si bêtes raisons, il n'y avait que Jodie pour verser des larmes.

Elle se faisait des illusions.
Oui, ça devait être ça.

Ils seraient toujours amis, parce qu'ils étaient les seuls que Jodie ait jamais eu. Ils seraient toujours amis, parce que Jodie les aimerait toujours, même si eux, en retour, ne les aimaient plus. Bien sûr qu'ils seraient toujours amis.

« Je ne suis pas inquiète. »

Elle lui adressa un sourire.

« Je ne vous laisserai pas m'oublier, et moi je ne vous oublierai pas. Parce que vous êtes les personnes les plus importantes pour moi. »

Et que tous les autres qui l'étaient lui ont été arrachés et qu'elle ne permettrait plus que ça arrive.

Lorsque le mot défi sonna entre ses lèvres, une lueur d'excitation s'était allumée dans les yeux de Jodie. Elle avait toujours aimé les jeux, peu importe l'enjeu ; elle avait toujours aimé jouer, parce qu'elle ne l'avait pas assez fait dans le passé, et que ça lui avait manqué.

« Capitaine, la première année? Mais c'est... »

Elle plissa les yeux. Elle avait pris conscience du pouvoir qu'elle avait sur les autres ; et à s'en souvenir, elle trouva soudain le défi bien trop facile. Elle se mit à rire.

« C'est d'accord. Celui qui gagne... »

Elle non plus, elle n'avait aucune idée, et fit la moue.
Puis dans son esprit une voix murmura.

« T'as dit quoi? »

Ce n'était pas la voix de Oz, elle le savait. Elle fronça les sourcils. Déjà, il n'aurait jamais parlé si bas. Et ensuite, c'était la voix d'une fille.

« T'es ventriloque?! »

Jodie.

« Y a quelqu'un? »