❥ Cheers to the New Year w/ (Matthew)

« Tu me fais rire quand tu me regardes comme ça. » Matthew haussa un sourcil, les lèvres occupées par une cigarette qu'il n'avait pas encore allumée. Il continua d'observer sa petite amie tandis qu'elle se rapprochait de lui, avec une démarche caractéristique qui ne lui appartenait qu'à elle. Pendant qu'elle s'installait à côté de lui, Matthew finit mine de réfléchir et retira la clope d'entre ses lèvres. « Exclusivement avec ma copine... ouais. » En général, il n'était pas très friand des soirées en tête-à-tête mais il semblait qu'avec Judith, sa façon de voir les choses avait changé. Il s'autorisa un léger sourire après sa remarque et se laissa faire lorsqu'elle se pencha vers lui pour l'embrasser. Depuis qu'ils avaient remis les pendules à l'heure entre eux, il était difficile de les obliger à garder leurs mains pour eux, mais qui pouvait les blâmer ? Il laissa ses mains tracer leur chemin le long des courbes de Judith, jusqu'à ce qu'elle rompe momentanément leur échange pour aller poser son verre sur la table basse du salon.

Cela laissa le temps au mage de se remémorer les derniers jours qu'il venait de voir passer. Après les fêtes de Noël, qu'il avait passées en compagnie de sa famille dans la maison familiale -c'était une coutume qu'ils n'étaient pas prêts de laisser tomber- Matthew s'était débrouiller pour reprendre contact avec un oncle qui possédait une villa à Aspen, dans lequel il lui était arrivé de se retirer à l'époque où les Faräwell-Harrington trouvaient encore le temps de faire du ski ensemble. Maintenant, personne n'y vivait en dehors des périodes d'affluence et il avait eu la bonne idée d'emprunter cette villa pour passer un peu de temps avec sa petite amie. Depuis la petit dispute -c'était peu de le dire- qu'il avait eue avec Judith, les deux semblaient s'être rapprochés plus qu'ils ne l'avaient fait depuis le début de leur relation, et ces derniers changements avaient conforté Matthew dans l'idée que, peut-être, ils pouvaient maintenant expérimenter d'autres choses qu'un simple dîner aux chandelles suivi d'une partie de jambes en l'air. User du terme de petite amie pour la désigner faisait notamment partie de ces changements.

Elle se réinstalla près de lui tandis qu'il allumait sa cigarette sans aucune forme de gêne. Matthew avait toujours été le seul fumeur de sa famille, et s'il avait pris l'habitude de ne fumer que lorsqu'aucun d'entre eux ne se trouvait en sa compagnie, c'était tout le contraire avec Judith. Depuis qu'il la fréquentait, sa consommation de nicotine avait même augmenté de façon exponentielle. Il s'adossa contre l'accoudoir du canapé et invita Judith à s'installer entre ses jambes. « Maintenant que tu le dis, j'avoue que c'est peut-être passé un peu vite. » murmura-t-il en l'embrassant sur l'épaule. Contrairement à elle, Matthew était d'un naturel plutôt tactile et semblait toujours avoir besoin de contact avec elle, quand bien même c'était juste lui caresser le bras sans réellement penser au geste en lui-même.

Matthew tira une taffe et souffla sa fumée au-dessus d'eux, et posa une main sur le bras de Judith, qui semblait prendre ses aises entre ses bras. « On n'est pas obligés de rentrer demain, tu sais. » Techniquement, si. Ils avaient chacun des obligations qui ne dépendaient pas que de leur bon vouloir, que ce soient des cours ou des meetings organisés, et il était donc impératif qu'ils retournent à Skyworld le lendemain. C'était leur dernière nuit à Aspen et l'expérience ne se renouvellerait pas de si tôt. Il enfouit sa tête dans le creux du cou de Judith et resta un moment dans cette position. « On risque de ne pas se voir avant un moment quand on rentrera. » Loin de lui l'idée de créer un nouveau sujet de dispute entre eux, c'était juste qu'ils s'étaient mis d'accord pour être honnêtes l'un envers l'autre.

Il fallait que tu amènes le sujet sur la table.

J’aurais pu lui dire qu’il est chiant mais il n’a dû avoir aucun mal à comprendre le message : c’est un homme intelligent, après tout. Je ne fais aucune critique à propos de ça - en même temps qui préférerait le contraire - mais disons que parfois Matthew l’est un peu trop à mon goût. S’il l’était moins, ce serait alors beaucoup plus… simple de le mener par le bout du nez.  Je sais ce que vous allez dire et, non, je ne suis pas une connasse. Vous voulez savoir pourquoi ? Car j’ai tout simplement décidé de ne pas agir comme ça avec lui. Je le respecte. Oui, vous avez très bien entendu : je respecte ce gars. Bien sûr, inutile de vous rappeler à quel point c’est dur de gagner mon respect.  Sauf qu’il a réussi.


J’en suis consciente, ok ? J’ai lâché un soupir puis je me suis éloignée de lui. C’est juste qu’on passait un bon moment… J’ai poursuivi mes explications tout en soutenant son regard. Et c’est notre dernier soir ici, je voulais qu’on en profite pleinement. Quand je dis “pleinement” ça veut dire autrement que ce qu’on est en train de faire. Les minutes tournent super vite ici, sans déconner : une semaine est passée et je m’en suis même pas rendue compte.

Mais vu où on en est, autant dire ce qu’on a à dire. C’est sûr que c’est pas délirant mais c’est toujours mieux que de se regarder dans le blanc des yeux. Tu veux que je te dise ce que j’en pense ? On va se voir une fois sur quatre et ça craint. Je n’ai pu m’empêcher de faire la grimace. Et comme je vais horriblement te manquer, tu vas sûrement mettre la faute sur moi et me dire que je devrai te consacrer plus de temps. Je suis directe dans la vie. Sorry not sorry. Sauf que je vais probablement renvoyer la faute sur toi, on va se fâcher, s’ignorer, t’essayeras de me contacter sauf que je répondrai pas parce que j’aurais d’autres choses à faire… Je me suis arrêtée le temps de reprendre mon souffle. Bref, tu vois le schéma.

Oh oui, il le voyait même très bien ce schéma. C’était un peu cru pour lui, un peu drôle pour moi. L’homme peut jouer le rôle de la femme, non ? Ok j’arrête. Si vous voulez savoir, je ne prends aucun plaisir à le vexer et quand je le fais, c’est plus par habitude que par envie… et puis les mots sortent trop vite de ma bouche donc vous pouvez pas me juger.

Le pire c’est que tu me manqueras aussi. Vous connaissez pas la douleur qu’on peut ressentir quand quelqu’un nous manque, hein ? Super parce que moi non plus. Ce que je connais par contre c’est la sensation étrange que t’as quand tu sais qu’une personne va te manquer… Genre t’anticipes, tu te fais du mal avant l’heure. Je sais pas si c’est bien clair dit comme cela mais en tout cas c’est juste horrible. Horrible et con. Depuis quand est-ce que je suis devenue ainsi ? C’est quoi la suite, je vais me mettre à écouter des musiques tristes et pleurer devant des films romantiques ? Le monde part en couilles c'est moi qui vous le dit.

Après y a bien une solution à ça. Je fis un sourire en coin, haussant un sourcil. On pourrait vivre ensemble. Je ne sais pas si je suis sérieuse mais je poursuis quand même. ‘Fin j’ai jamais vraiment pensé à ça donc c’est peut-être une mauvaise idée. J’ai lancé un rapide regard dans sa direction mais rien ne trahissait ses pensées - même pas une grimace. Tout à coup nous sommes devenus très silencieux mais ça m’a donné le temps de réfléchir à ce que je venais d’avancer. Quoique... ?

« Permets-moi de rectifier quelque chose, mon ange. » Si elle croyait pouvoir l’émasculer et s’en tirer comme si de rien était, elle se fourrait le doigt dans l’œil. « Tu vas terriblement me manquer, et je vais effectivement remettre la faute sur toi -et tu vas effectivement me le renvoyer comme je le mérite- mais j’aurai beaucoup trop de fierté pour faire un pas vers toi. Tu vas prendre ça pour un affront de ma part, tu vas faire une scène, on va s’engueuler, tu vas encore casser tout mon appartement, je vais admettre que j’ai tort et ensuite on aura deux solutions : tu vas me pardonner et tout ira bien pendant un temps -jusqu’à ce qu’on trouve une autre raison de s’engueuler, ou alors tu ne vas pas vouloir de moi, tu vas partir et finir par tomber en dépression au bout de -allez- trois semaines, parce que ton monsieur Harrington te manquera trop… »

Ils avaient fait du chemin, depuis le début de leur relation. Plaisanter sur leur plus récente dispute n’aurait jamais été possible s’ils n’étaient pas allés aussi loin à deux, et parfois cela rendait Matthew perplexe quant à l’avenir qu’il pouvait imaginer avec cette femme. C’était rare pour lui d’anticiper, et lorsque cela le prenait, ça ne durait que quelques instants, et c’était amplement suffisant. Il remua un peu dans le canapé pour se redresser, voyant qu’elle n’était pas encore d’humeur à se laisser tomber dans ses bras -tant pis, il aurait essayé au moins- et tendit la main pour récupérer la cigarette qu’il avait momentanément posée sur le cendrier en pensant qu’ils allaient passer la soirée à se faire des câlins plutôt que discuter. « Vu le temps que tu passes à l’appart’, c’est peut-être pas une si mauvaise idée que ça. » C’était limite s’il la voyait plus que son propre frère, qui avait pourtant son nom sur les papiers. En voyant qu’elle s’apprêtait à riposter, il éclata de rire. « Détends-toi, je plaisante. » Il tira une taffe et tourna la tête vers la baie vitrée du salon, en faisant celui qui réfléchissait.

« Je n’y ai jamais pensé non plus. » Il se tourna vers Judith, qui avait toujours gardé la même distance entre eux. « Tu sais bien, quand on parle d’avenir j’ai tendance à éviter le sujet… » Ce devait certainement être la plus grande différence entre Judith et Matthew. Elle avait cette sale manie d’anticiper pour limiter la casse, et c’était souvent ce qui amenaient à avoir des conversations dans le genre de celle qu’ils venaient tout juste d’avoir. Il porta la cigarette à ses lèvres, le temps de réfléchir à ce qu’il pourrait bien lui répondre. C’était vrai qu’après la semaine de rêves qu’ils venaient de passer, il était difficile de ne pas reconsidérer la possibilité de s’installer seul avec elle. Sans avoir le problème de toujours prévenir son frère que sa copine dormait chez eux, ou flipper de se faire interrompre par une sœur un peu trop expansive…

« Tu sais que ce sera différent de ce qu’on a vécu cette semaine ? » Il prit un léger élan et décolla son dos de l’accoudoir pour se rapprocher de sa petite amie. « Je vais reprendre les études, tu vas continuer à faire tes trucs dont tu ne veux pas me parler. » Matthew se pencha, déposa un baiser sur la joue de Judith qui ne bougeait toujours pas d’un pouce et fit descendre ses lèvres le long de sa mâchoire tandis qu’elle relevait le menton pour lui donner accès à son cou -une petite habitude qu’ils avaient fini par prendre à force, il pensait même qu’à ce stade c’était devenu un réflexe plus qu’autre chose. « Ça va être super bien le premier mois, on va baiser absolument partout ; dans la chambre, la salle de bain, le salon, la cuisine, l’entrée, le balcon, le palier aussi, ça coûte rien d’essayer… » Il se mit à rire dans son cou, la chatouillant de son souffle contre sa peau. Il finit par se redresser, plongea son regard dans le sien, et tira à nouveau une taffe qu’il souffla vers l’extérieur en tournant la tête vers l’extérieur. « Et puis à un moment, on va finir par se lasser. On va même rentrés tellement crevés en fin de journée qu’on n’aura même plus la force de se parler. Je t’épargne les autres scènes de ménage, où on va se faire la guerre pour savoir qui fait la cuisine et qui débarrasse la table, qui range le lave-vaisselle et qui a oublié de mettre en marche le lave-linge. » Il prit le menton de sa belle entre ses doigts et la força à lever la tête vers lui. « L’horreur. » Matthew se pencha et déposa ses lèvres contre les siennes.

Il rompit le contact avant qu’elle ne puisse le faire, et resta un moment à la regarder, elle et ses yeux qui semblaient toujours être en colère contre lui. Matthew tendit sa cigarette déjà entamée à sa petite amie et attendit qu’elle ne la prenne pour poursuivre. « Mais à côté de ça, on n’aura plus mon frère ni ma sœur pour nous faire chier, tu n’auras plus besoin de trouver une excuse pour te barrer le matin, et je n’aurai plus à en trouver pour que tu restes le soir… » Ce n’était pas une si mauvaise idée que ça. Il le savait, mais c’était autre chose que de l’admettre.

Au début je me souviens, les gens disaient qu’entre moi et lui ça n’irait pas bien loin. Ils disaient qu’on était trop différents, que je ne méritais pas son attention et qu’on finirait par se lasser. Pourtant nous voilà, toujours en couple, toujours à deux, en train de voir si oui ou non on devrait emménager ensemble. « Je vais reprendre les  études, tu vas continuer à faire tes trucs dont tu ne veux pas me parler. »   Effectivement. J’ai la chance d’avoir un petit-ami qui n’est pas très curieux alors j’en profite. S’il insiste pour qu’on parle du sujet alors je saurai quoi lui dire mais d’ici là, évitons.

« Ça va être super bien le premier mois, on va baiser absolument partout ; dans la chambre, la salle de bain, le salon, la cuisine, l’entrée, le balcon, jusque là il m’apprend rien de nouveau, on sait tous les deux que ça se passera comme ça, le palier aussi, ça coûte rien d’essayer… » Qu’il est bête celui-là. J’ai eu un peu de mal à ne pas sourire : c’est toujours le cas quand monsieur fait le gamin. « T’es con. »   Et en plus il se marre ! J’allais le pousser mais il a eu la présence d’esprit de se redresser lui-même. Sauf qu’il s’est mit à dire des âneries et à me parler uniquement des mauvais aspects. Je ne m’attendais pas à ce qu’il saute au plafond mais quand même, il pourrait mettre un peu plus d’enthousiasme dans ses paroles. Sérieusement, si j’avais su qu’il allait me balancer ça en pleine gueule, j’aurais même pas amené le sujet. « L’horreur. »  Tu m’étonnes. Connard.

Plus il parle et plus je me rends compte qu’il est peut-être pas tellement contre mon idée. Quelque chose me dit qu’il en a un peu envie mais qu’il ne veut pas se l’avouer. En tout cas il peut continuer à faire le désiré parce que s’il croit que je vais le supplier de si tôt, il se met le doigt dans l’œil. « Tiens, reprends la. » Je lui ai tendu la cigarette qu’il m’a donnée pour en prendre une directement du paquet. «  Puisque t’as pas l’air de vouloir partager beaucoup de choses avec moi. » Comment ça, c’est abusé de comparer une cigarette à un toit ? Fermez-la. Je commence à m’énerver maintenant.

Après avoir allumé la cigarette, lancé négligemment le briquet sur la table basse et m’être assise sur le fauteuil en face, j’ai finalement décidé de rompre le silence qu’il y avait entre nous. « Je pensais que ça nous rapprocherait. » J’ai avoué ça timidement avant de me remettre à fumer. Il faut que je fasse gaffe à ce que je ne laisse pas n’importe quoi sortir de ma bouche, mais je me suis lancée donc je dois finir ce que j’ai à dire. « Quand on rentrera… On passera pas beaucoup de temps ensemble. Genre, vraiment pas. » Y aura des jours où j’étudierai et d’autres où je m’impliquerai dans des activités illégales. Suffit qu’il y ait un mauvais timing et on se verra seulement entre midi et deux ou en soirée. « C’est pas la solution idéale pour moi non plus, d’accord ? » Il ne faut pas non plus qu’il se mette à penser que je veux brûler les étapes. Je ne suis pas ce genre de petite-amie – au contraire, plus on en parle et plus je me dis que j’aurais du mal à lui cacher mes secrets. « Mais je me connais… si on se voit occasionnellement, à la longue je finirai par m’éloigner. Si tu peux supporter ça alors d’accord, mais… »  J’ai pris le temps d’apporter la cigarette à mes lèvres.

« Je pense vraiment pas.  Si j’en arrive là – et je te le dis tout de suite – n’essaye pas d’arranger les choses parce que ça ne servira plus à grand-chose. » Désolée d’être franche mais je tiens quand même à Matthew et je n’ai pas envie qu’il se fasse trop d’illusions. Si c’est pour se voir une fois toutes les deux semaines, autant ne pas se voir du tout.

« Mais je souhaite pas que ça nous arrive. » Sans dire un mot de plus, je me suis levée et me suis dirigée vers lui. « Si t’es pas tenté alors je peux rien y faire. Je ne vais pas forcer les choses, tu me connais. » J’ai haussé les épaules et les sourcils, l’air de dire « c’est ton choix ». Pardonnez moi, j’ai menti : la nuit est encore longue et je ne vais pas le lâcher. « Ça m’apprendra. »